Le Derrière de Velázquez

Le Jugement dernier. Francisco Pacheco
Francisco Pacheco (1564-1644) :  Le Jugement dernier

Le premier portrait de Velázquez par Ricard Mas - El Temps 30/12/2014


Alain Moreau, franc-tireur artistique, avec un spécial intérêt comme bon Français pour le siècle d’or espagnol  - me révèle une intuition avec perspective de découverte. Le premier portrait où apparaît Velázquez de dos (… ) et nu.

Il s’agit du Jugement Dernier (1614) œuvre du maître Francisco Pacheco, acquis par le musée Goya de Castres en 1996. Un Jugement Dernier très influencé par la fresque de Michel-Ange de la Chapelle Sixtine et le Martyre de Saint Maurice du Greco. Pacheco en 1611 avait visité l’Escurial et avait rencontré le Greco en décembre de cette même année. Pacheco retourne à Séville, la ville la plus prospère d’Espagne à cette époque, non en vain, elle contrôlait tout le trafic avec les Amériques – et il admet Diego Velázquez comme nouvel apprenti dans son atelier. Velázquez a 12 ans en 1611 et devient un excellent disciple.

En ce mois de décembre Pacheco commence à travailler sa grande œuvre Le Jugement Dernier dont le musée du Prado conserve une ébauche. Il le finira en 1614 peu avant d’entamer sa deuxième œuvre importante Le Christ servi par les anges dans le désert (1615/1616). En 1618 Velázquez se marie avec Juana Pacheco, la fille du maître. Retournons au Jugement Dernier. Dans la peinture espagnole, religieuse ou non, les nus ne sont pas abondants, le Jugement Dernier en contient des masses. Pour cela l’histoire de l’œuvre est curieuse, commandée en 1610 pour 500 ducats pour l’église du couvent de Sainte Isabelle de Séville avec un délai d’un an pour sa livraison elle fut terminée pour finir en 1614 au prix de 700 ducats.

Cean Bermudez la signale en 1800 à son emplacement original. En 1812 le tableau est démonté et envoyé à Paris où sa vente est documentée en 1862, il est acheté par un certain Dupond qui le lègue à ses neveux et l’on perd sa trace jusqu’en 1933. Il réapparaît dans une cage d’escalier à Marseille. Pendant plus de 130 ans il avait disparu excepté sur une gravure d’assez mauvaise qualité d’E. Bocourt et A. Delange publiée en 1869.

Selon les commentaires de Bonaventura Bassegoda « il s’agit d’une des œuvres les mieux documentées et dissertées de tout l’art espagnol » car Pacheco lui-même lui dédie deux chapîtres au Jugement Dernier dans son Arte de la Pintura à titre d’exemple iconographique. La description est minutieuse en décrivant les figures à la droite de l’ange, celles qui vont au ciel et il dit « le groupe contient neuf grandes figures aux âges variés d’aspect et de visage, la principale entière et de dos représente un très beau jeune homme à côté d’une très jolie femme et entre les deux j’ai placé mon portrait de face jusqu’au cou ( … ) en suivant l’exemple de quelques vaillants artistes peintres qui dans certaines occasions publiques ( ... ) ajoutèrent le leur et celui de leurs amis et familiers; surtout le Titien qui fit son portrait dans la gloire qu’il peignit pour le Roi Philippe II et que j’ai vu à l’Escurial. Ce joyeux groupe est guidé et mené par un ange vêtu de blanc et de bleu. Pacheco préfigure déjà avec un Velázquez d’entre 12 et 15 ans une famille d’artistes vertueux et virtuoses dignes de gagner le ciel le jour du Jugement Dernier. En premier plan nous avons le derrière de Velázquez, son dos et sa nuque, de face regardant le spectateur, le futur beau-père et l’auteur de l’œuvre - de 53 ans - et regardant le ciel sa fille - née en 1602 - qui devrait avoir environ 12 ans.

En 1617 Velázquez se joint à la corporation des peintres de Séville et en 1618 il se marie avec Juana Pacheco. Cette même année il peint la Vieille faisant frire des œufs une exceptionnelle nature morte – et Alain Moreau,  Hercule Poirot de l’art - nous questionne : « La nature morte du Christ servi par les anges dans le désert (1615/1616) est-elle ou n’est-elle pas de la main de Velázquez? elle est tellement supérieure au reste de la composition »…..

Francisco Pacheco (1564-1644) : Le Christ servi par les anges dans le désert.
Francisco Pacheco (1564-1644) : Le Christ servi par les anges dans le désert.

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